Tous ces professeurs qui tentent de nous cultiver demeurent impuissant face à la connerie que l’on peut se permettre nous, les jeunes adolescents de la nouvelle génération. Aussi affreux que cela puisse être, on ne tient pas compte des devoirs à faire pour le lendemain, on montent dans une voiture qui nous mènera à une de leur nos fêtes et on évite ainsi donc d’être sérieux. On boit, on fume, on se drogue et on rentre chez soi la tête dans le coltard. Impossible alors d’aligner deux mots sur une feuille de dissertation. On s’endort sur le bureau, la bouche ouverte, haletante une odeur de clope et de vodka mélangés. Et de ces matins où se lève en assommant lourdement notre réveil – qu’on le casse et qu’on se rendort pour ouvrir les yeux à six heures de l’après-midi. Une journée de cours encore séchée mais on en a rien à foutre. On a juste besoin d’une bonne douche et d’un café serré pour pouvoir rester en équilibre. On se démaquille de ses couches de mascara coulant – de crayon bavant qui colle nos yeux. On se fait propres, on se fait beaux et on recommence tout. […]
La porte en fer se ferme lourdement derrière moi. Mes talons aiguilles me font un mal de chien. Le petit matin pointe son bout du nez – le ciel s’éclaircit, laisse place aux premiers instants de la matinée. J’avance, mes jambes frêles et tremblantes. Je ne tiens plus en équilibre, je manque plusieurs fois de me tordre la cheville. Je débouche sur une rue, un volet claque contre un mur au dessus de ma tête, je sursaute et fusille cette grand-mère du regard – qui elle, me regarde interloquée : petite gamine, minette de dix-sept à peine qui traîne. Je suis dans un piteux état, si vous me voyez. Je ne ressemble à rien ou peut être si : une serpillière vieille de plusieurs siècles. Mes collants sont troués, je ne me souviens même plus pourquoi. Mes cheveux sont en bataille – c’est la deuxième guerre mondiale dans mes tifs ! Plus emmêlés que jamais je tente d’aplatir un peu le volume. En vain. Je soupire, secoue mon bras vers l’avant de la chaussée pour appeler un taxi. L’un d’eux me passent sous le nez, occupé déjà.
Merde J’ai envie de vomir et de m’étaler sur le trottoir. Je m’appuie sur un réverbère et me laisse tomber sur un banc en pierre. Il est gelé, j’ai froid aux jambes, je suis un asticot, tordu dans l’attente qu’un véhicule jaunes à quatre roues daigne me prendre. Je me grille la dernière clope de mon paquet de Camel. Je l’écrase entre mes doigts fins et aux ongles french, puis le balance dans la poubelle en face de moi. Manque de pot, je vise mal ; il demeure parterre. J’en ai rien à foutre, lever mon cul pour ça, merde. Un taxi s’arrête – la chance est avec moi. Je souris en coin, me lève et ouvre la portière sans tenir compte du regard que me lance le conducteur. Vous savez : pervers, qui vous mets à nue comme un laser.
« Pas de clope dans la voiture ! » Je pouffe et balance mon mégot par la fenêtre.
« Résidence Gunnlaugh » Et il démarre – me regarde sans cesse à travers le rétroviseur. Je lui aurais bien laissé un souvenir de mon passage mais cela n’aurait pas été la vue de ma petite culotte ! Je me retenais de vomir sur le siège à côté de moi – juste pour ne pas finir le chemin à pied. Il en serait capable ce gros pervers. […]
Je lui lance une liasse de billet – lui dit de garder la monnaie et je suis déjà en train de chercher la clef de la porte d’entrée dans mon sac à main. Je suis en rogne, je crois que je l’ai perdue ! Je suis morte, j’ai envie de dormir, tandis que le voisin sort faire son footing matinal avec son nouveau chien. Il me regarde bizarre, et s’en va en courant. Résignée, je m’avance vers la jardinière et remue la terre entre mes doigts. La clef de secours et là – quand je dis que c’est mon jour de chance !
Je me fais couler un bain chaud, je n’allume pas la stéréo bien trop la tête en feu pour pouvoir supporter une quelconque note de musique. J’ouvre le frigo américain de la grande cuisine équipée, entièrement inox et je sors de quoi me préparer un sandwich pendant qu’une double aspirine se dissolue dans l’eau d’un verre. Je n’ai même pas le temps d’en prendre une bouchée que je cous aux toilettes pour cracher mes tripes. Je reste là – mes bras encerclant mon ventre plat pour me vider de la merde que j’ai pus ingurgiter !
Une porte claque dans la maison, l’eau de la baignoire arrête de couler. Mon cœur s’emballe. Bordel, qui est là ? Je relève un peu la tête avant d’être prit d’un ultime haut le cœur qui me fait dégobiller. Je me relève, mon reflet suivant mes gestes dans le miroir qui se trouve en face de moi. Je suis minable : blanche comme un cachet d’aspirine, les cheveux qui ne ressemble plus à rien. Je m’approche de la glace, y observe ma face. J’ai les yeux cernés, noirs et éclatés par ce que j’ai put fumer. Je suis maigre – mais cela je l’ai toujours était : pas de ses enfants qui enflent à force de manger – je suis vulgaire. Et je n’ai que dix-sept ans bordel.
« Lou ! » m’interpelle quelqu’un – mais cette voix je la connais. Qu’est ce qu’il fait là ?
« Papa ! ? » dis-je en me retournant brusquement. Il est en colère, je le vois dans ses yeux. Il a envie de me gifler, je le perçois aussi. Il s’approche de moi – je baisse les épaules pour me faire toute petite et regarde le sol.
« Mais regarde toi Lou ! » Oaui, un véritable choc – de même pour ma mère qui se tient à présent dans l’encadrement de la porte. Leur petite fille qu’ils pensaient sérieuse, innocente et sage…Non, papa, maman. Je ne suis plus. Voyez-vous j’ai rencontré un garçon, bon dieu super beau ! – Peut être aussi pas très fréquentable. Influençable, je voulais lui montrer que je pouvais moi aussi être une reine des fêtes ! J’ai fais la plus grosse erreur de ma vie, à toucher à toutes ces merdes : héroïne, coque et j’en passe. Les dures. Le pire c’est que je souffre aussi d’amour : célibataire depuis deux semaines. Je me suis fais plaquée, une gifle qui à la place de celle que mon père va me donner, ne m’a pas laisser joue rouge. Mais assurément une douleur puissante et perçante dans mon cœur.
Et il me plaque, ma main sur ma joue brûlante je sens les larmes monter. Je suis accro papa, je suis perdue maman. Je suis un déchet… Et je pense à lui. Ce gars que j’aime plus que tout – mais Isaac, tu m’as brisé le cœur..si tu savais. Ses paroles résonnent en moi, à tel point que je n’entends pas mon père qui me parle.
« Sale bourge consumériste de mes couilles, va vomir dans les chiottes le pauvre quart de bière que t'as bu pour te sentir rebelle. T'es conne, évite de te donner encore plus en spectacle. Et surtout essaye de te venger que je rigole un coup, l'argent de papa c'est fait pour ça. Dégage ça vaudra mieux pour tout le monde. » Une fois, deux fois, trois fois, quatre, cinq, six, sept, huit…ça résonne !
*
Je déteste les psychologues. Je déteste mon père, je déteste l’attention que me portent à présent mes parents. Enfant pourrie gâtée, je suis la Lou qui se confesse auprès d’un psy’ qui ne comprendra absolument rien à ma douleur. Et dire que j’adorais ça – la psychologie. Et dire que je les admiraient pour le travail qu’ils accomplissaient. Tu parles…Ils tuent le temps, se remplissent les poches et se fichent royalement de vos soucis.
Je suis assise – j’attends mon rendez-vous et après un autre homme me conduirait à l’hôpital pour un contrôle médical. Pour savoir si – je n’ai pas consommé – si je respecte bien les promesses que j’ai dût faire à mes parents.
Redresser la pente.. Le pire dans tout ça – c’est qu’ils m’interdissent aussi de revoir Isaac, sans même savoir qui il est. Enfin si – ils le voient comme un salaupard. Ils ont portaient plainte contre lui – mais je suis hilare sur ma chaise en pensant à ce que j’ai pus faire. On me regarde bizarre mais je m’en fiche. Je suis fière de moi. Je préserve mon âme sœur – celui que j’aime plus que tout, aussi bien que je le hais.
« Il s’appelle Eliott Freund » Sauf que Eliott, il existe pas – ou si c’est le cas, j’ai peut être mis un honnête homme dans la bousse. Juste par amour. Mentir pour ne pas lui apporter plus de merdes. Je suis trop bonne – j’aime Isaac comme une folle.
Je suis en désintoxication mais je ne suis pas prête à avaler un seuls cachets multicolores que me donnent les médecins désignés spécialement par mon père. S'il croit une seule seconde qu'il va arriver à me contrôler, il se trompe. J'ai juste besoin de continuer, même si ça me tue. Je me désintègre petit à petit - je suis accro, je suis moche, je suis paumé mais au fond j'en ai rien à foutre. Rien ni personne ne m'empêchera un instant de continuer. Je multiplie les fêtes - je détourne le courrier, mais je crois que cela ne pourra durer longtemps. Mon paternel n'est pas idiot malheureusement, même s'il demeurait aveugle jusqu'à ce jour de ce qui m'arrivait.
Ma débauche fait ma force - qu'ils le veuillent ou non.
*
Je cours - je manque de tomber, une, deux, trois fois. Je rigole comme une conne - dans ma robe blanche à poids noir (pas très classe car c'est une tunique de l'établissement de désintoxication où mon père me fait consulter deux semaines sur deux.) Je ne suis pas de cet avis - aujourd'hui, j'ai réussi à m'échapper - dans la rue, il pleut - j'ai les cheveux qui prennent l'eau. J'ai froid, ainsi nue sous ce mince vêtement. La gorge déployée, je m'échappe vers chez moi - où mes parents n'y sont pas. J'y passerai la nuit, j'irai sonner à la porte de ma meilleure amie - avant de retourner au centre - et attendre la fin de la semaine pour être libre. Folie totale,
je suis dérangée. Si Isaac me voyait, il me trouverai sûrement misérable, pitoyable, dégoutante...répugnante. Je me pose la question à savoir, ce qu'il pourrait faire si je sonnais à sa porte ce soir - pour m'y réfugier peut être [...]
J'oubliais un détail important. Vous savez pourquoi mon père me permet de sortir de temps en temps du centre ? Juste pour qu'il est une chance que je lui pardonne - pour que je lui en veuille moins. Il dit avoir confiance en moi. Il est naïf.